… Texte, simplement

Chaque jour, et parfois avec un certain cynisme, IL conjuguait et IL conjugue toujours le temps d’écrire dans un compte à rebours et s’en amuse quelquefois ; quelquefois pas, car IL ne s’en amuse pas pour en finir d’écrire. Encore un jour de passé, où IL n’écrit pas, où IL réussit à contenir la plume dans une paresse de circonstance, encore un jour où IL réussit à esquiver, à repousser à plus tard.

Faut croire que non…!

À moins que ce ne soit à cette heure pâle de la nuit que s’invite le rituel. Comme si la nuit lui imposait son habitude de l’installer dans un lâcher prise, dans du sans, dans du sens de quelque chose pour se laisser happer, sans effort, par un rien déclencheur d’associations d’idées…

Et s’IL cessait d’écrire? Au risque peut-être que la confusion l’épie ou que l’ennui devienne un non lieu. Va-t-IL renoncer à cueillir des bouquets d’impensés, à jouer à la roulette russe avec le grand écart des émotions que permet une pratique artistique, va-t-IL arrêter de se vivre dans le mythe du trouveur ?

Point de TOC poétique ou de toc-toc à l’antre de son imaginaire, point de toc à déclarer, au seuil du sensible et du politique, là où parfois IL fait silence / IL se moque d’abord de lui quand IL s’abolit toute bonne résolution du genre : ce soir j’écris ! / IL se dit qu’IL est toujours à la veille d’un chef d’œuvre alors IL convient de ne pas rater la veille / IL sait qu’IL ne va pas de lui-même, parce que cela doit être, cela le serait? / Quand bien même après avoir pris un courant d’erre ascendant, IL va traquer l’inspiration / Assignation sur la page blanche d’abord, à l’écran peut être ensuite, la main sur la gachette du carnet de notes là où la porosité psychique étincelle parfois / La contamination poétique gagne quand ça ne prévient pas, une fois débranchée la prise avec la réalité otage de tant de vérités contingentes, au risque d’un toujours possible resté sur sa faim sans fin. Au risque de constater qu’IL se tient toujours aussi éloigné de ce qu’IL n’arrive pas à écrire au fur et à mesure qu’il sent qu’IL s’en rapproche et qu’IL va en rire de rage / Écrits et ratures créatives obligent, se demande-t-IL.

S’acharner à essayer de nouveau des essais et essayer encore, garder un sourire stoïque, IL en convient, sont de bons espaces de respiration devant ce vacarme potentiel de matériaux de mots déferlant en convulsions momentanées / IL échappe encore, mais pour combien de temps comme s’IL pouvait éprouver quelque satisfaction à préférer le renoncement à la prise de risques de la pratique d’écriture? / IL se plaît parfois à concevoir la rigueur imposée par l’écriture comme une remise de peine, une page sabbatique, tellement essentielle et si libertaire jusqu’à se perdre dans les délices, dans les jeux de dés et de vices, jusque dans les marges de la question suprême, celle-là même qui le conduit à rejouer à chaque fois une désertion du JE, un déni intéressé du J’ai…

Se permet-il de s’absenter un peu, comme on se déréveille? IL renouvelle l’habitude, en invente de nouvelles règles pour déjouer le piège du découragement, tendu dans ce jeu de duel avec la pratique du manque. Atteindre l’attente ! / Une autre fois, au comble de matériaux encombrants le temps d’après, IL décrète que les délais d’inspiration propice à l’écriture expirent. Trop tard! Fallait surgir plutôt, avant ! / IL se reprend, IL respire ! Et alors , soulagement ? Soulagement de constater provisoirement bien sûr, un surplace, sans se laisser envahir par une esthétique du piétinement ? Subsistance du doute… / Gare à lui de se confondre entre lente impatience et trépignement pulsionnel de griffonner du signifiant improbable… / IL se sait condamné à l’écriture et la formule n’est pas pour lui déplaire / Alors quoi? IL rigole à la pensée qu’il n’y a pas de rapport à la poétique qui vaille, il n’y a qu’une relation poétique. IL attend sans trop se le laisser croire, IL attend en tentant d’oublier qu’IL attend, pour attendre vraiment, IL attend sans attendre ; IL se met en veille, IL espionne l’art tactique du désœuvrement apparent ; IL reste en embuscade, et tantôt IL promène, tantôt IL traîne cet état qui pourrait prendre les apparences peut être trompeuses d’une distraction oisive, d’une dispersion calculée et laborieuse à la fois, et pourquoi pas jouissive. À moins que ce ne soit l’inverse.

IL travaille à attendre cet état pourtant habituel de la conscience en quête d’étonnement, d’émerveillement, de heurt-aimantation, avec et dans ce qui l’entoure, quotidiennement. IL attend ce qui peut advenir surtout quand IL n’y pense pas et qu’IL croit qu’IL en est tout prés, qu’IL y est tout prêt / C’est lorsque l’habitude prend les allures du pas et s’incarne dans la dé-marche, déambulation tranquille et libérée de toute destination prédestinée qu’IL sait qu’en sa compagnie IL a rendez vous avec le hasard, une rencontre, un évènement, cette contrainte suprême pour retrouver son autre JE et irriguer, iriser l’écrit en cours…

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