Maintenant !

Rester depuis des mois solidaire du conflit contre la réforme des retraites jusqu’à son retrait, être de tous les cortèges contre la misère, le chômage et les inégalités, être à la fois dedans et à leur côtés pour dire que l’on ne travaille pas pour vivre mais que l’on vit d’abord pour pouvoir effectivement travailler. Ainsi, j’émargeais funambule les yeux perlés de givre comme si j’avais été alité par la force tranquille de la résignation qui gagne les soit-disant honnêtes gens.

La clarté a fait sa mue dans l’éclosion des rassemblements spontanés. J’arpente depuis des mois une percée de rouge et noir dans un ciel en compagnies arc en ciel. Chaque manifestation non déclarée sème des tonnes d’inspiration. Des mots de dés-ordonnement de l’ordre bourgeois s’écrivent sur les murs et autres devantures charmeuses de mieux être. On ne saurait trop préférer ces autres formes ludiques plus contestataires et déterminées pour lutter contre l’hibernation dans lequel veut nous maintenir le capital. La rétine mémorielle encore à ma traîne dégage un caillot de torpeur funèbre en queue de cortège, quand j’applaudis un défilé de bon sens probablement à cause de mon mauvais esprit d’ancien militant.

Qu’est ce qui fait descendre dans la rue, qu’est ce qui fait parler ? On s’le demande encore, à défaut de vouloir tourner la page pour renouer avec des dialogues plus policés pour sortir de la crise, pourvu que les règles du cadre à subvertir démocratiquement ne soient justement pas remises en cause. Est-ce la quête impuissante de mots insurgés ?

Plan fixe de la lutte de classes sur l’aire de jeu de la marelle des mobilisations citoyennes. Alors parier sur un coup de dés pour défendre des droits sociaux et en conquérir de nouveaux ? Avancer à cloche pied ? Un premier pas vers l’ailleurs s’affiche aux lisières d’un printemps symptôme. D’ordinaire, si ce mot n’accable pas trop le quotidien déjà tout accaparé à se sortir de sa propre confusion, de son incertitude, comment ne pas répondre à cette invitation permanente à la manifestation, occupation stimulante de la rue. On mentirait en simulant une indifférence intéressée signifiant un désir d’invisibilité, parce que justement on est là ! Avancez sur la case démocratie sociale-poétique !

Mais l’intention d’écrire mon intention d’appeler à tout bloquer, d’écrire mon soutien à la grève générale, mon intention de manifester contre la violence d’État, contre la fascisation de la société française, ne constitueront-elles pas bientôt une effraction, un fait délictueux et condamnable préventivement, au nom de la protection de la conformité d’expression tolérable par le pouvoir néolibéral aux abois ? Faire simplement l’objet aujourd’hui, ou plutôt être le sujet victime d’un contrôle d’identité préventif, suivi d’une fouille avec par hasard dans ses poches La guerre civile en France de Marx, ou avec le poème de Maïakovski Désembourbez l’Avenir brandi sur une pancarte sera utilisé comme preuve d’une volonté d’incitation à affronter l’ordre « républicain » en vigueur. Parce qu’on l’aura bien cherché ! Écrire à défaut de pouvoir être en première ligne un peu de radicalité politique, son attente d’un blocage total, écrire son soutien aux piquets de grève, à l’insubordination face à un État policier, exposera-t-il désormais à quelque menace d’interpellation, à des poursuites et autres perquisitions ? Dur dur de ne pas se laisser aller à des visions autres que policières de l’histoire… L’état n’est pas encore fasciste, la police l’est déjà, disait JP Sartre au début des années 1970…

En ces temps de répression et d’intimidation stratégique, l’autocensure comme préalable au droit d’écrire en témoin, au droit d’avoir l’intention d’écrire le choix de son camp, tant l’intention, la motivation, la charge relèveraient désormais de la préméditation, l’autocensure raisonnable donc, relève d’une obéissance responsable, pour le dire autrement et sans abus d’autre pléonasme, d’une soumission librement consentie, en éléments de langage recevables, audibles dans le texte. Quand des intentions de critiquer, de dénoncer, de combattre l’injustice deviennent des actes d’accusation pour préméditation, les mots deviennent des actes sans précédent qui instruisent leur accomplissement. Gare aux renoncements qui veillent ! Risque de lassitudes ou crainte d’insurrections ? Même pas peur ? Car il devient imprudent dans notre société de communication qui a érigé le mensonge pour gouverner le langage, de dire ce qu’on pense, si ce que l’on pense contredit ce qui doit être pensé, entendu…

La criminalisation de la luttes des classes par la domination capitaliste nous a appris depuis des années qu’il s’agit de construire une représentation de ce que l’on veut dire et de l’imposer comme seule et unique version de la réalité et non pas de dire ce que l’on voit en vérité. On est dans la vase communicante de la légitimité légale du cela va de soi ! i n’y a pas d’alternative! dixit Tatcher.… La LDH, dans son soutien aux Soulèvements de la Terre en sait quelque chose, qui est aujourd’hui menacé de dissolution…

J’AVAIS COMMENCÉ D’ÉCRIRE CES LIGNES, ARC-BOUTÉ À L’IDÉE DE REMOBILISER UN DÉSIR D’ÉCRITURE QUI NE SE CONTENTE PAS, QUI NE SE SATISFASSE PAS D’AVOIR REPRIS LA TENTATIVE DE FROTTER LE POLITIQUE ET LE POÉTIQUE, DE CONTINUER DE CREUSER PLUS QUE JAMAIS LE SILLON DE CE QUE D’AUCUN NOMME POÉLITIQUE ET QUE MES MOTS ACTENT PAR HEURT-AIMANTATION. CET ÉCRIT REMIS EN CHANTIER, ENTRE LES MULTIPLES ÉVÈNEMENTS POLITIQUES ET SOCIAUX QUI RYTHMENT MES JOURNÉES… S’EST INTERROMPU À LA RELECTURE DE CE PASSAGE DE MAINTENANT : « DEMAIN EST ANNULÉ : Le véritable mensonge n’est pas celui que l’on fait aux autres , mais celui que l’on se fait à soi même ».

Poisson d’Avril ?

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